Le 20 janvier dernier, les vice-présidents du Conseil italien, Luigi di Maio et Mateo Salvini se sont livrés a une attaque en règle contre les politiques monétaires de la France en Afrique, qualifiées de néocoloniales, en l’accusant de se servir du Franc CFA comme d’une arme politique pour perpétuer son emprise et sa domination sur le continent africain.
Ils en ont ainsi appelé à une véritable décolonisation de l’Afrique expliquant que cette perpétuation des régimes de domination étaient un frein au développement et la cause des flux de migrants qui viennent ensuite mourir en Méditerranée et débarquer sur les côtes italiennes.
Des provocations verbales et des outrances aux relents xénophobes qui mettent néanmoins le doigt sur une problématique bien réelle. Celle de l’ingérence et le contrôle que la France exerce aujourd’hui encore sur les 14 pays africains de zone franc CFA. Une domination dénoncée par de nombreux économistes en Afrique, mais aussi en Europe.
La France est aujourd’hui le seul État au monde qui gère toujours la monnaie de ses anciennes colonies. Ce sont ainsi 14 pays africains répartis en deux zones économiques distinctes qui sont de facto sous la tutelle du ministère français des finances. Concrètement, cela signifie que le franc CFA est indexé sur l’euro, et que le trésor français garantit sa convertibilité en euro ; mais aussi que pour assurer cette parité franc-euro, les Banques Centrales des pays africains utilisant le franc CFA doivent déposer la moitié de leurs réserves de change à la Banque de France.
Aussi anecdotique que révélateur, il est intéressant de noter que l’émission même de cette monnaie « africaine » se fait toujours en France, à Chamalières, plus précisément dans le fief historique du président Valérie Giscard d’Estaing.
Si ses partisans défendent un mécanisme qui permet d’assurer la stabilité et le crédibilité du franc CFA, en l’adossant à l’euro, ses opposants dénoncent quant à eux un système qui contraint les économies africaines à subir les politiques monétaires de la zone euro, même lorsque celles-ci ne leur sont pas favorables.
Ce qui représente effectivement un frein pour les économies des pays concernés. Car les objectifs et les besoins d’une économie en développement et en expansion sont loin d’être les mêmes que celles des pays du vieux continent, surtout quand ils se doublent de considérations politiques, voire idéologiques. En effet, en Europe, l’une des obsessions de la Banque Centrale est de lutter contre l’inflation, une politique guidée non seulement par des raisonnements économiques discutables, mais aussi par un héritage politique et culturel propres à l’Europe.
Imposer cette nécessité aux pays africains peut donc s’avérer contreproductif, voire tout à fait néfaste. C’est d’ailleurs ce qu’explique l’économiste sénégalais Demba Moussa Dembele ; qui rappelle que cette priorité de la BCE imposée aux banques africaines a des conséquences négatives sur l’accès au crédit des entreprises du continent, qui en ont pourtant formidablement besoin.
Un système qui est dans le même temps très favorable à la France et à ses entreprises. Ses règles sont très intéressantes pour la France qui peut acquérir des matières premières africaines sans avoir à débourser des devises étrangères. Dans le même temps, les compagnies françaises peuvent investir dans la zone franc sans avoir à craindre de dépréciation monétaire et peuvent, grâce au libre transfert des capitaux entre zone franc et zone euro, rapatrier leurs bénéfices vers l’Europe.